C'est toujours avec beaucoup de plaisir que la rédaction d'INDIVIDUATION Magazine publie les articles de Serge Gautier, Praticien Certifié IJTI-Process et passionné de l'approche junguienne. Dans ce nouvel article proposé aujourd'hui, sont posées des questions essentielles telles que celle la place de l'inné et de lacquis dans l'approche typologique junguienne mais également celle de l'importance relative de la fonction dominante notamment.
Il est probable que la lecture de cet article donnera au lecteur l'envie d'assiter à une présentation des travaux de Serge Gautier lors des prochaines conférences qu'organise INDIVIDUATION Magazine.
Les composantes symétriques de la fonction dominante
et la question du besoin
Serge Gautier.
12 Déc. 2010
"A la source des travaux de Jung sur les types psychologiques, il y a « ce qui constitue la nature humaine dans sa forme élémentaire », « les traces de la psychologie humaine au fond éternellement semblable à elle-même » (Y. le Lay, préfacier et traducteur de Jung). Nous pouvons partir de la notion de l’inné, dans son rapport avec l’acquis individuel, pour comprendre la relation existant entre les deux orientations symétriques (introversion et extraversion) d’une même fonction.
Le caractère acquis de la structure psychologique d’un Sujet particulier (son type proprement dit, fruit de ses expériences vitales) est, en tout état de cause, inscrit dans une structure plus générale. Il faudrait imaginer celle-ci comme une espèce de « génome » psychique, analogue à un programme génétique, et qui pour cette raison représenterait le caractère inné, ensemble de caractéristiques universelles sous-jacent à tout « type psychologique », matériau psychique fondamental du genre humain. Cet « inné », est constitué de l’ensemble des éléments invariants que Jung a observés et rassemblés dans son travail clinique et de recherche : orientation de l’énergie ( extraversion et introversion ) et fonctions ( Sensation, Intuition, Pensée, Sentiment ). Au fur et à mesure de l’individuation, se dégage de cet ensemble une organisation particulière à chaque individu, une prédominance dans le choix d’une orientation ou d’une fonction. Cette organisation devenant « chronique » constitue l’acquis, formalisé par Jung sous l’appellation de « type ».
Le rapport entre « inné » et « acquis » correspond à la question du besoin, à la question de savoir comment l’acquis se constitue.
Le Sujet, au départ, est identifié au collectif, non individué : « Plus nous remontons dans l’histoire, plus nous voyons que la personnalité disparaît dans la collectivité » (Jung ).
Comment le Sujet acquière-t-il ce dont il a besoin pour évoluer, c’est-à-dire se dégager du collectif (individuation) ?
Le rapport entre la fonction dominante et sa symétrique ( par exemple entre Se et Si ) est un rapport dans l’ordre du besoin. Ce rapport est constitutif des étapes de formation du Sujet. Il s’agit d’un rapport dynamique, ce qui est d’ailleurs implicite dans la formulation employée par Jung : extra-version et intro-version, processus d’individuation. C’est l’aspect vivant du modèle Jungien. Les choix successifs faits par le Sujet sous l’effet de contraintes, d’incitations, d’identifications etc. donne naissance aux éléments de base de l’équation personnelle, c’est à dire au « type ».
Le principe d’opposition-complémentarité, qui apparaît clairement dans la structure de base du modèle, doit également s’appliquer à la dualité introversion-extraversion. Cette dualité ne peut pas uniquement s’envisager de façon « statique », définissant des champs d’action, des objets ou des instances. Du point de vue dynamique, il y a passage d’éléments extérieurs vers l’intériorité du Sujet et inversement de l’intériorité du Sujet vers l’extérieur. Chaque fonction du modèle jungien a besoin pour se construire d’un apport ou d’une correspondance dans l’environnement qui lui permette de se développer selon son ordre ou sa nature. Il s’agit d’une reconnaissance fondatrice: le monde, par l’intermédiaire du « bon parent » reconnaît l’existence du Sujet selon la nature et dans l’exercice d’une fonction particulière. Plus tard, il s’agira d’une ressource légitime, de l’appui d’un(e) partenaire idéal(e) source de satisfaction narcissique (confiance en soi, estime de soi, efficacité dans l’action…), d’un objectif réaliste et assumé etc. Deux cas se présentent selon l’orientation :
1. Une fonction dominante extravertie trouve à l’extérieur, dans un bon objet, sa correspondante introvertie qui lui assure que son extraversion est fondée, légitime puisqu’elle est reçue, accueillie à l’extérieur ( chose ou personne qui reconnaît ainsi la légitimité du besoin du Sujet extraverti).
2. Inversement, une fonction dominante introvertie trouve à l’extérieur, dans un bon objet, sa correspondante extravertie qui lui assure que son introversion est fondée et légitime puisqu’elle lui procure ce dont elle a besoin pour « nourrir » sa nature introvertie.
Il s’agit dans les deux cas de la ressource parfaitement adaptée à la croissance du Sujet en construction, du « Sujet idéal » dans son rapport avec l’ « objet idéal ». Par exemple, le corps dans sa matérialité physique ( S.i ), a besoin pour sa croissance d’un apport extérieur matériel sous forme, entre autres choses, de nourriture. Cet apport vient du parent nourricier ( S.e ), la mère en premier lieu. Il est possible d’extrapoler ce principe aux autres fonctions, et ceci selon les deux orientations, extraversion et introversion.
Chaque fonction S, N, F, T, qu’elle soit « e » (extravertie) ou « i » (introvertie), a sa symétrique « i » ou « e ». Les « objets » de l’échange (matériels pour S, affectifs pour F etc.) circulent entre les deux, assurant à l’enfant la constitution des fonctions cognitives principales (Dominante et Auxiliaire ) dont il a besoin pour se développer.
Dans l’ordre du besoin ( et non du désir ), ce rapport est activé à chaque fois que le Sujet entre en relation problématique ou conflictuelle, que le moi conscient est en relation avec un objet « difficile ». La relation problématique signifie (est le signe) que le rapport « coince » au niveau explicite, actuel, c’est-à-dire dans la manière dont le Sujet se représente la situation dans laquelle il est partie prenante. A ce niveau actuel, Il ne trouve pas de solution, pas de sens, pas de débouché, il n’obtient pas le résultat attendu, il se heurte à un obstacle. Il devra donc, consciemment ou non, revenir à un niveau de sécurité « inférieur », ou « antérieur », là où une compétence nouvelle aurait dû être acquise, un seuil franchi, moment crucial où un choix n’a pas été fait, un effort pourtant nécessaire a été évité. En un certain sens, chacun de ces « seuils » est initiatique et peut se situer, historiquement, très tôt dans la vie du Sujet, par exemple lors de chaque « castration symboligène » , concept essentiel, à mon sens fondateur, de la clinique de F.Dolto.
Fonctions Dominante Radicale et Dominante Symétrique (dont l’orientation est opposée à la radicale) forment un ensemble dynamique constructif :
Dominante Radicale : Moi Idéal dans les premiers temps de la vie, évoluant en se diversifiant ensuite pour former la base de positions personnelles qui, sur le plan fonctionnel, sont analogues : confiance en soi, objectif adapté et réaliste, point de vue privilégié, rôle social adapté, aisance comportementale, autonomie etc.
Dominante Symétrique : Idéal du Moi chez l’enfant qui, plus tard, prendra pour le Sujet adulte la forme d’un étayage solide, d’un appui efficace, de la capacité à justifier une prise de position, du sens des responsabilités etc.
Le déséquilibre fonctionnel excessif sur l’axe dominante-inférieure donne lieu, pour la Dominante Radicale, à la formation du moi narcissique inadapté ( par exemple l’identification pathologique à un rôle social ), et pour la Dominante Symétrique, au modèle idéal inadapté (illusion ou besoin d’une protection tutélaire infantile etc. ). Ceci fera l’objet d’un prochain article."
Articles
