En septembre 2013, se tenait à Montpellier le congrès international de l'AIOSP. A cette occasion, Vincent Guillon, Réginald Savard, Conrad Lecomte et moi-même avons animé un symposium sur la question de l'alliance de travail.
Dans ma communication , la question du type psychologique du conseiller et de celui de son client était présentée comme la pierre angulaire de l'alliance de travail.
Congé
individuel de formation : alliance de travail, types psychologiques et
visions du monde.
Près
d’un million de personnes ont bénéficié du Congé Individuel Formation institué
depuis 1971. Au service de projets de
reconversion, de mobilité, de qualification, le CIF semble donc présenter un
aspect essentiellement personnel. Mais, dans le même temps les enjeux
collectifs d’insertion économique en lien avec les politiques de l’emploi n’ont
jamais été vraiment absents. Le CIF est ainsi l’aboutissement d’un
parcours construit avec des conseillers en mobilité professionnelle exerçant
dans le cadre des FONGECIF créés afin de
répondre aux besoins des salariés et du tissu économique des territoires.
De même, l’apparition plus récente du
Droit Individuel à la
Formation qui requiert l’accord de l’employeur sur le
choix de l’action de formation amplifie cette volonté d’ancrage dans le social
et l’économique. Tout comme la notion
de « formation tout au long de la vie » vient signifier combien
maintenir et développer son employabilité a vocation à contribuer à
l’amélioration de la performance collective. Mais d’autres
considérations, au-delà de la perspective économique, montrent combien il
serait illusoire de ne voir dans le CIF qu’un instrument
« individualiste » tant ceux qui y recourent sont en effet, bien
souvent, en situation potentielle de désaffiliation de leurs communautés de
travail et tant le CIF représente alors un effort pour retrouver de nouveaux
collectifs d’appartenance, relevant de l’entreprise aussi bien que du secteur
associatif et social.
Cela,
les conseillers FONGECIF l’expérimentent très vite lors du premier entretien
qu’ils considèrent, véritable clef de voute du processus d’accueil et d’accompagnement
du bénéficiaire, comme une occasion particulièrement importante de créer la
rencontre et d’établir avec lui une véritable alliance de travail. Force est
pourtant de constater que moins de 50 % des personnes ainsi reçues, déposent
effectivement un dossier de demande de CIF à l’issue de ce premier entretien. Que se joue-t-il donc dans cette expérience
interpersonnelle supposée inaugurer le processus d’accompagnement ?
De gauche à droite: Conrad Leconte, Réginald Savard, David Bourne et Vincent Guillon Photo: Eric Bonnesoeur |
Dans cette communication, nous développons l’hypothèse que cette
rencontre mobilise d’un côté, la « vision du monde du conseiller »
(Guichard, 1997) et, de l’autre, celle du salarié s’exprimant en première
intention sous la forme d’un projet individuel, de valeurs personnelles et
d’attentes particulières. Si, pour Guichard, les déterminants des pratiques
d’accompagnement sont à la fois d’ordre sociologique, scientifique, politique
et éthique, pour d’autres auteurs comme Jung (1950) et Beebe (2001), elles
renvoient surtout à des éléments beaucoup plus intimes : les caractéristiques psychologiques
du praticien et celles du bénéficiaire. Un rapport de type
consonance/dissonance s’établirait entre les types psychologiques en présence,
susceptible d’avoir un impact important dans l’établissement de l’alliance de
travail au point de rendre possible ou non, aux yeux du bénéficiaire, la
poursuite du processus d’accompagnement. Médiatisée par l’écart entre des
visions du monde différentes, une dissonance fondamentale entre le type
psychologique du conseiller et celui du bénéficiaire pourrait ainsi être
partiellement à l’origine du renoncement au projet de CIF. Une telle
perspective est tout à fait congruente avec celles rapportées dans les autres
communications du symposium développées par les travaux récents sur la relation
(Norcross, 2011a) et l’alliance de travail (Guillon, 2013 ; Muran &
Barber, 2010) qui mettent notamment l’accent sur l’importance des
caractéristiques du conseiller (voir par ex. Laska et al., 2013), du consultant
(Bohart & Tallman, 2010) et sur la nature interactive de la relation entre
conseiller et bénéficiaire (Norcross, 2011b).
David J. Bourne
David J. Bourne