
Si en passant au cinéma, le "Hérisson" de Muriel Barbery a visiblement perdu le terme "élégance" il n'a, en revanche, rien perdu de sa profondeur psychologique.
Cet article inaugure le lancement d'une nouvelle rubrique au sein d'INDIVIDUATION Magazine, rubrique entièrement dédiée à l'analyse des types psychologiques des personnages de films à la lumière des apports de la théorie junguienne.
Séduite par le livre de Muriel Barbery, la jeune réalisatrice Mona Achache décide un jour de contacter sa productrice Anne-Dominique Toussaint qui est précisémment en train de lire l'ouvrage. C'est sur la base de ce superbe phénomène de synchronicité que débute l'histoire de ce film qui met en scène des personnages dont les types psychologiques méritent véritablement qu'on s'y atarde tant leur rencontre semble improbable.
Chevelure grisonnante, sourcis épais, enfermée dans une sorte de mutisme peu engageant, Madame Renée admirablement jouée par Josianne Balasko campe l'archétype de la concierge parisienne d'un immeuble bourgeois. Elle a toutes les caractéristiques du Hérisson : discrète elle est également inssaisissable et piquante à l'occasion.
Ce personnage agé d'une bonne cinquantaine d'années présente au premier abord un côté acariâtre qui est naturellement loin d'inciter au dialogue. Pour les habitants de l'immeuble qu'elle entretient, Renée vit essentiellement dans une pièce principale et dans sa cuisine. L'univers du Hérisson est clairement marqué par l'introversion (I): la lumière y pénètre difficilement comme dans une grotte et de lourds rideaux occultent les rares ouvertures de sa loge. Rares sont ceux qui sont autorisés à en franchir le seuil... Lorsque la caméra parvient néanmoins à y risquer son objectif c'est d'abord pour découvrir un intérieur impersonnel aux couleurs sombres laissant entrevoir une porte qui semble cacher l'envers du décors. Il s'agit de la pièce où Renée se révèle être elle-même : sa bibliothèque. La pièce est chaleureuse, intime et les rayonnages sont surchargés de livres qui ont visiblement chacun une place bien attitrée (S). Des objets personnels décorent ici et là cet endroit visiblement aussi secret que le propriétaire des lieux. La journée de travail terminée, Renée se retire dans cet espace à la fois grotte et sanctuaire de la connaissance (T) mais totalement inconnu de ses voisins. On découvre ainsi progressivement derrière ce personnage bourru une dévoreuse de livres (Ti) qui se surprend elle-même à dévoiler petit à petit une certaine forme de générosité et de bienveillance envers Monsieur Kakuro un charmant quinquagénaire japonais qui vient d'eménager dans l'immeuble et qui va déceler chez elle une finesse d'esprit qui a échappé à tous. Cette femme qui n'intéresse personne dans l'immeuble hatise en effet sa curiosité et son intérêt car ils partagent des goûts artistiques communs : au-delà de sa fonction et de son apparence physique, il perçoit en elle une certaine élégance ...
