"Le corps humain dans les rêves".
Editions dy Cygne
Sylvie TRINQUIER
Psychologue et psychothérapeute, Sylvie Trinquier accompagne des patients dans la quête difficile de la connaissance de soi. Elle propose des psychothérapies analytiques et des accompagnements au projet professionnel. Elle s’est formée auprès de psychanalystes jungiens, membres de la SFPA (Société Française de Psychologie Analytique).
Elle mène depuis 12 ans un travail de recherche sur le rêve. Sa formation de psychosomaticienne l’a amenée dernièrement à orienter ses recherches sur l’étude des représentations du corps humain dans les rêves et à étudier la relation entre les maladies ou les guérisons corporelles rêvées et l’évolution de la personne, sur le plan psychique et physique.
C'est à une présentation de son ouvrage qu'elle se livre aujourd'hui pour les lecteurs d'INDIVIDUATION Magazine.
« La psyché dépend du corps et le corps dépend de l’esprit…Un fonctionnement défectueux de l’âme peut porter au corps de notables dommages, de même que réciproquement, une affection physique peut entraîner une souffrance de l’âme. Car l’âme et le corps ne sont pas des éléments séparés ; ils constituent au contraire une seule et même vie » Carl Gustav Jung.
Le corps est très souvent représenté dans les rêves. Relié aux instincts, à nos forces vitales, à notre sensorialité, notre animalité, le corps dans le rêve, laisse rarement le rêveur indifférent et témoigne la plupart du temps d’une expérience majeure de l’évolution psychique de l’individu, traduisant les conflits intrapsychiques qui se jouent au sein de la psyché. Le corps dans le rêve, dans sa totalité ou le plus souvent fragmenté, est le miroir de la psyché et se rapporte presque toujours aux conflits entre les sentiments de limitation et d’inhibition et les aspirations à la liberté d’être de l’individu et au développement de son potentiel créatif.
Que ce soit pour manifester le désir, la souffrance, l’agressivité, toutes les pulsions qui nous animent et que bien souvent nous avons tendance à refouler, le corps figure parmi l’une des images privilégiées auxquelles l’inconscient a recours pour traduire les désordres à l’œuvre au sein de la psyché et nous permettre d’y remédier. Notre nature instinctive refoulée se manifestera ainsi bien souvent au travers du rêve pour nous aider à porter la lumière sur nos troubles et nos dissonances intérieures.
La médecine psychosomatique parle « d’organe cible » pour désigner la partie de l’organisme atteinte par le processus de décompensation somatique. Elle part du postulat que l’organe malade n’est pas « choisi » au hasard mais ciblé en fonction de motions inconscientes corrélées à plusieurs autres facteurs, tels des facteurs génétiques et constitutionnels. L’inconscient, de même, privilégiera dans le rêve l’atteinte d’une fonction somatique, d’un organe, d’un élément du corps humain pour indiquer au rêveur, d’une façon symbolique , le désordre à l’œuvre au sein de la psyché. Il s’agira alors pour le rêveur de chercher à comprendre la signification de la « cible somatique » révélée par la production onirique. L’investigation autour de la production onirique, avec l’aide d’un praticien, permettra ainsi au rêveur de comprendre le désordre à l’œuvre au sein de la psyché afin de pouvoir y porter remède.
Il est essentiel pour le praticien qui analyse un rêve de prendre en considération le cadre de référence culturel individuel propre au rêveur et les associations spontanées qu’il élabore. Cependant, chaque partie du corps rêvé peut être reliée à une symbolique spécifique. Pour chaque partie du corps représentée dans le rêve, il existe en effet des références communes, des tendances générales, un langage symbolique universel qui peuvent guider et orienter l’interprète dans son travail d’analyse avec le rêveur. L’accès à cette fonction symbolique est ainsi le facteur qui va permettre la compréhension des images données par le rêve et donc favoriser « la guérison » en permettant au sujet d’élargir son champ de conscience.
Ainsi, le pied, dans le rêve, pourra-t-il se rapporter sur le plan symbolique au mouvement de la vie, à notre façon de marcher, d’avancer. Nu, il indiquera notre relation avec notre nature sauvage, authentique et nous renseignera sur notre besoin de liberté. Le pied nu pourra exprimer ainsi la liberté reconquise ou sur le point de l’être ; est-il entravé dans des souliers inconfortables, nous serons alors amenés à réfléchir à ce qui nous contraint dans notre existence, à analyser la relation que nous établissons avec les conventions sociales ou les règles préétablies.
Le rêve de perte de cheveux chez une femme pourra inviter celle-ci à développer une relation plus harmonieuse avec sa féminité et sa nature animale. La chevelure chez la femme est en effet une de ses principales armes de séduction et l’expression de sa féminité. Mais le cheveu pourra symboliser également l’ énergie, la créativité. Le rêve de perte de cheveu pourra mettre dans ce cas, le rêveur sur la voie d’un épuisement des forces créatrices.
Dans la plupart des cas, les blessures des rêves ne sont pas douloureuses; elles sont des métaphores auxquelles l’inconscient a recours pour exprimer une souffrance inavouée et non reconnue et nous aider à porter la lumière sur nos troubles intérieurs. Le rêve nous indique alors l’origine et la nature de cette blessure pour nous permettre de prendre conscience de la gravité ou de l’urgence de la situation afin d’y porter remède. Le rêve favorise l’accès à la vérité qui, seule, nous permet de panser les plaies intérieures, génératrices de souffrances, tant qu’elles n’ont pas été reconnues et soignées. La vérité que nous offre le rêve est semblable à un scalpel. Elle est douloureuse, car elle ouvre en effet toutes les plaies recouvertes par les mensonges, les dénis, les faux-semblants, mais elle est aussi salvatrice car elle permet d’en faire sortir le poison émotionnel et de les guérir complètement.
L’inconscient ignore le registre savant du corps médical et utilise rarement son jargon professionnel. Il n’a pas besoin de ce savoir pour porter son diagnostic qui est toujours incroyablement fiable et précis. Je demeure en effet toujours fascinée, depuis toutes ces années consacrées à l’interprétation des rêves de l’intelligence prodigieuse avec laquelle l’inconscient cherche à s’exprimer pour mettre le rêveur sur la piste d’une problématique à comprendre ou d‘un conflit à résoudre. Avec subtilité, il choisit les images, les jeux de mots qui vont éveiller la curiosité du rêveur et favoriser sa mise en mouvement, pour peu que celui-ci soit à l’écoute des messages qu’il s’efforce de lui délivrer.
Certaines personnes ne prennent ainsi conscience de l’importance de leur souffrance qu’en rêve, leur vie quotidienne les ayant trop longtemps éloigné de la partie malade qui sommeille en elles.
Les images du corps rêvées et le travail réalisé autour de ces scénarios favorisent bien souvent des prises de conscience qui vont avoir une incidence importante sur les conduites de l’individu dans la vie. Ces images témoignent la plupart du temps d’une phase d’activation psychique qui va favoriser un élargissement du champ de conscience et susciter une mise en mouvement dans la vie extérieure. Cette dynamique s’accompagne bien souvent chez la personne d’une meilleure adaptabilité au monde extérieur et d’une meilleure aisance relationnelle, avec dans certains cas une diminution ou une disparition des troubles somatiques qui « impactaient » sa santé.
L’homme moderne évolue dans un monde rationnel et matérialiste qui ne lui permet plus de se connecter aux forces vives de son inconscient. Il a, malheureusement pour, lui oublié le langage du rêve. Or, le rêve est le médecin de l’âme. J’ai souhaité au travers d’un travail d’écriture le réhabiliter. La présentation de cas cliniques met en lumière la réflexion théorique.
Articles
